Le matin de ses trois ans, je ne sais pas pourquoi mais c’est comme devenu une délivrance. Ben oui, je suis gougoune, mais je pensais vraiment que comme le terrible 2 venait automatiquement de se terminer et que le fucking four arrivait juste dans un
an je tombais drète là dans un trou noir de l’espace temps, une accalmie, une année de transition zennnnn, un moment de détente, bref, l’apothéose d’une année de »Je compte jusqu’à trois ». Pour vrai, j’y ai cru dur comme fer… À peu près je dirais deux jours. Puis là, je l’ai senti, ça puait un peu mais pas trop… Y’avait quelque chose qui venait avec le 3. Une odeur de »uhmmm pas sur »… Ça m’a pris plusieurs semaines avant de mettre le doigt sur le bobo. J’ai sorti mon calepin-d’analyse-psycho-pop-à-5 cents et j’ai étudié son comportement.
Je n’étais plus dans le terrible two, c’était clair, il s’était dissipé depuis plusieurs semaines parce que dans cette période, quand mon fils pétait une coche pour des raisons nationales, comme :
-Je ne veux pas m’habiller BON !
-Je ne veux pas partir de chez mamie ou papi !!!
-Je VOULAIS LA CUILLÈRE ROUUGEEEEEE (la *!*&$&$ de cuillère rouge !!!)
-C’est moi qui tient la brosseeee à deeeennntttttssssss
C’était toujours en criant, en pleurant, suivi d’une auto-descente du coude sur le plancher en tournant en rond avec une face rouge comme si je venais de lui dire qu’il n’y avait plus d’eau potable sur la Terre.
Je me suis rendue compte que ce qui avait fait upgrader la crise c’était son langage. Avant, il avait quelques mots dans la bouche, là, il s’exprimait comme un politicien. Il avait 3 ans, il savait que pour avoir la cuillère rouge, il avait les capacités pour argumenter à la vie, à la mort. Mine de rien, mon petit cute expérimentait aussi sa capacité à tenter de charmer pour obtenir ce qu’il voulait. Par exemple :
Moi : «Rémi, maman t’a demandé de mettre ton pyjama, là c’est assez !»
Rémi :«Mais maman, je voulais juste venir te dire que je t’aimeuh et te donner un câlin!»
De même c’est vraiment cute, mais quand tu le vis, c’est juste semi-cute parce que tu sais qu’il ne débarque pas dans le salon pour vraiment te dire je t’aime mais plus pour passer le temps et surtout pour en sauver. Chaque minute de gagnée est une victoire, pis mausus, des fois ça marche ! Je suis parfois manipulable, surtout si ce soir là y’a une histoire touchante qui passe aux nouvelles ou que ma journée a été plus dure. J’ai appris avec le temps, je lui dis : «Rémi, maman aussi t’aime, mais mets ton pyjama et après nous allons avoir de belles minutes pour se coller avant le dodo ! Par contre, je veux que ton pyjama soit mis et que tu écoutes la consigne s.v.p». Dans ce temps-là, souvent on gagne les deux ! Souvent, quand il se retourne, son père pis moi on se fait des yeux à l’envers qui veulent dire «Ehhh luiiiiiii je l’aime !». C’est smooth comme exemple parce que le problème c’est quand nous manquons de temps pour argumenter. Tsé mettons au restaurant, au centre d’achat, à la librairie, en se préparant le matin. Le problème, c’est que quand le »fighteux » ne peut pas »fighter »il redevient »terrible-fighteux ». Genre
Moi : «Allez hop! Dans le panier d’épicerie…» 
Rémi :« NONNN, moi je veux marcher, je suis grand !»
Moi: «Je sais que tu es grand mais il faut embarquer parce que nous sommes pressés !»
Rémi : «Mais maman je suis grand, j’ai des grandes jambes ….»
Moi: «Je comprends mais là, maman est très pressée et il faut embarquer dans le panier (regret de la fois où je l’ai laissé marcher !!!)»
Rémi : « MEUHEUEHMEHUEHMEHUEHEME MAMANANNNNEUHEUHEEUHEUHE, JJEEEEE VEUXXX MARCHEERREEUHUHUHUHUHUHU !»
Là, tout le monde te regarde, ils regardent le petit puis au loin y’a toujours quelqu’un pour dire quelque chose du genre :
«Ben là, qu’est-ce que ça change qu’il marche pauvre petit !»
Qu’est-ce que ça change ? Je vais vous expliquer ce que ça change…
Ça change que j’ai travaillé toute la journée, que je cours à l’épicerie pour faire un bon repas, que je dois ramasser 4-5 cossins pis que dans ton temps, tu pouvais laisser le p’tit dans le char les portes débarrées avec le plus vieux mais maintenant c’est plus de même ! Je sais que si il marche, il va vouloir tous les cossins sucrés-trop-chers-pour-rien que les épiceries mettent à la hauteur de ses yeux pour attirer son attention, que je vais devoir dealer avec toutes les boites à biscuits, les lucky charms, les fruit-o-long, les palettes de chocolat que nous allons rencontrer alors que j’avais juste 3-4 cossins à ramasser. Pis à chaque fois que je vais dire non, il va se mettre à brailler, pas parce qu’il n’est pas »élevé », parce que lui aussi a sa journée dans le derrière. Ça change aussi que, à l’heure qu’il est rendu, je dois me grouiller pour revenir à la maison, faire le souper, la vaisselle, donner le bain des deux, brosser les dents, faire les devoirs, faire les lunchs, laver le linge pis espérer pouvoir m’écraser une demi-heure dans le divan pour me détendre de ma journée (PIS OUI L’AMOUREUX M’AIDE !).
C’est juste pour ça que je veux qu’il embarque dans le panier d’épicerie vite vite ce soir, même s’il est en fighting 3, même s’il fait un peu pitié et que j’ai l’air marâtre de l’obliger à s’asseoir dans le pauvre panier d’épicerie. Je tiens mon bout pour ma santé mentale, pour la sienne, pour être constante dans mes interventions pis parce que je sais que sa frustration va s’en aller dans quelques minutes quand je vais lui demander de tenir la tomate pour m’aider parce ouf! Elle est un peu trop lourde la tomate ! C’est ça mon truc, quand je tiens mon bout, j’essaie de valoriser de l’autre bord, parce que je sais que souvent c’est pas parce qu’il ne veut pas monter dans le panier, c’est juste qu’il veut l’opposé de ce que je lui demande et voir si je vais succomber. Je sais aussi que si j’avais dit qu’on ne prenait pas de panier, il aurait surement »fighté » pour qu’on aille chercher un panier ! C’est ça le Fighting 3, c’est apprendre à s’affirmer, à vivre en société, à formuler des demandes, à parfois obtenir ce que nous voulons et parfois faire face à un refus. C’est là que le travail d’équipe entre l’enfant et le parent commence, que l’on apprend à grandir ensemble et à connaitre les limites de chacun pour former une famille qui se comprend, une famille qui se respecte.
Love you pour toujours mon petit »Fighting 3 »












