Demain ce sera le 11 février sur mon calendrier… Le 11 février n’est jamais vraiment mon ami… Février c’est rough pour beaucoup de monde, pour moi le 11 résonne toujours, il ne goûte pas bon tout le temps. Treize ans plus tôt, j’allais célébrer le baptême de ma cousine. Mon père et mon frère étaient à
la patinoire, Benjamin était encore un petit cul, il avait genre pas 10 ans encore, moi j’en avais presque 15. Pendant que les gars patinaient, les trois filles nous on se pomponnait. Quand il y avait une fête, c’était pas drôle le pomponage, ma soeur et moi nous mettions le paquet et ma mère nous donnait un coup de main. Le téléphone a sonné. Ma soeur a sauté sur le divan pour l’attraper parce que c’était un matin excitant pis que toute nous énervait ! C’était ma mamie au téléphone, elle riait si fort que Myriam ne comprenait rien. Elle a donné le combiné à ma mère qui était sur une fin de rire… Ma mère essayait de comprendre à travers nous qui mémérions et là, c’est arrivé d’un coup, le visage de ma maman a changé. Sa maman à elle ne riait pas, en fait, elle pleurait à gros torrent au téléphone. Ma mère est devenue blanche, elle s’est effondrée. Son papa d’amour venait de mourir. C’était irréel. Je me rappelle, qu’elle cherchait ses mots devant ses deux petites filles qui l’a regardaient sans rien y comprendre. Elle a raccroché, nous étions inquiète puis elle nous a dit : «Papi est parti au ciel». Je ne sais pas d’où elle venait la brique qui m’a fracassé le front, le coeur, les tripes ce dimanche matin là mais je ne comprenais plus rien. J’avais l’âge de raisonner mais je n’y arrivais pas, je voyais ma mère en déconfiture dans la maison à tenter de comprendre 1000 choses en même temps dans sa belle tête de petite maman d’amour.
Mon papi était un fermier en forme dans la jeune soixantaine, il courait plus vite que moi avec des boterlots dans le gazon mouillé, mais qu’avait-il pu se passer? Myriam était dans mes bras, nous pleurions tellement fort, c’était insensé, j’ai pensé à une crise de coeur… Puis ma mère en pleurant avec nous nous a dit «Ce n’est pas votre faute mes cocottes, Papi avait le mal de vivre». J’ai eu le temps de le répéter dans ma tête une deuxième fois, «Le mal de vivre ?!?», puis là, BANG!, toutes les briques de la maison qui restaient m’ont écrasée d’un seul coup, elles arrivaient de partout pour fracasser ce qui restait de ma petite carcasse déjà vide, vide de sens.
Je ne savais pas qu’il était malade. Mon papi était dépressif et février c’était toujours le mois qui lui rentrait dedans ben ben fort. Ce dimanche matin-là, pour une rare fois, il est sorti de la maison sans embrasser ma grand-mère, il faisait le gris le plus plate du monde dehors, tsé le genre de gris qui présage e-rien de bon. Février était trop gros pour lui. Il est parti vers sa grange dans la cours, il a bien barré les portes pour que ma grand-mère ne puisse pas y entrer. Parce qu’il le savait qu’elle remarquerait son absence. Quand elle s’est rendue compte qu’il n’y était plus, elle est allée à la grange elle aussi. Je crois que dès qu’elle est arrivée devant la porte fermée elle l’a su. Elle savait que son amoureux était déjà parti de l’autre côté. Elle a tout tenté mais il avait tout solidifié pour qu’elle ne puisse pas entrer. Je me souviens, j’avais presque 15 ans, j’étais fâchée, peinée, refâchée puis repeinée. Mon coeur était en décomposition et c’est lui qui l’avait décidé. Je lui en voulais mais en même temps non. Mon papi c’était un peu comme mon héros. Quand j’étais petite, dans sa boite à lunch il faisait une beurrée de beurre de peanut de plus pour que j’aille une surprise à son retour, il me laissait une petite gorgée de son café méga-sucré dans son thermos parce que j’aimais comment son café goutait le sirop et pas pantoute le café. Il était drôle mon grand-père, il achetait des boites de popsicles juste à l’orange parce qu’il n’aimait pas les roses et les mauves. Il avait toujours un mouchoir en tissus rouge dans la poche de pantalon, il classait ses râteaux par grandeur, il m’amenait donner à manger aux vaches, m’asseyait sur ses genoux pour passer la grosse tondeuse, il était toujours excité de nous montrer sa belle récolte de tomates dans son gros jardin l’été… Il était pour moi toujours plein de vie !
Je ne pouvais pas croire qu’il avait le mal de vivre mon papi, pas lui. J’ai compris que ce n’était pas lui qui avait choisi, c’était la dépression qui avait pris
toute la place. Mon grand-père c’était un homme de coeur, il avait le plus grand coeur du monde. Je sais que si il y avait eu en dedans de lui une petite once de lucidi-di-di-di-di-di-di-té, il aurait choisi d’aller faire une sieste dans son lit chaud au lieu de s’accrocher au bout d’une corde frette. Je le sais parce qu’à ce temps-ci de l’année, mon grand-père se préparait à aller au magasin chercher deux belles cartes, une pour la fête des amoureux et l’autre pour l’anniversaire de ma mamie le 13 février. Il l’aimait tellement sa belle Alice, jamais il n’aurait voulu lui faire de la peine, je le sais et c’est tout. Je n’ai plus 15 ans, j’en ai 28 maintenant. C’est un peu collé dans mes gènes les émotions en accordéon. Ça m’est déjà arrivé de ne plus être capable de vouloir continuer, de trouver toute trop dur, de me demander pourquoi je fais tout ça. Je sais depuis juste avant ma crise d’ados que la ligne est mince entre le « ça va bien » et le « ça ne va plus du tout ». C’est pas nécessairement à cause de toi Février, des fois j’hais Novembre et parfois Juillet aussi fait des siennes mais je sais que de choisir la fin plutôt que l’aide, ça crée beaucoup de peine, une peine inconsolable sur le coeur des gens qui t’aiment et qui vivent souvent avec un sentiment de culpabilité qui ne décolle plus jamais. Même si tout le monde dit que ce n’est pas de ta faute, même si tout le monde te dit que non, il reste toujours un petit quelque chose de pogné kek’part. Treize ans plus tard, je le sais saleté de Février je t’aurai de travers dans gorge toute ma vie même si t’es doux, même si tu me fais des beaux yeux… Même si tu travailles fort….








