On m’avait dit que c’était simple comme bonjour de porter le stérilet avec hormones, on m’avait dit que c’était le bonheur et que ça allait changer ma vie. Nous avions à l’époque convenu que notre deuxième serait probablement notre dernier bébé ou du moins, qu’on prendrait une pause indéterminée. Bébé avait environ 7 mois, je me suis dit que c’était le bon moment.
J’ai fait installer mon stérilet au printemps. Je me suis mise à avoir des douleurs épouvantables, je perdais du sang comme dans Kill Bill, mais on m’a dit que ça arrivait et que dans quelques semaines ce serait rétabli… Je me suis mise à être fatiguée, à avoir des crampes à tous les jours, je pleurais tout le temps et je ne savais pas pourquoi. On me disait que c’était peut-être dû aux saignements post-installation et que ça passerait. Je le savais que ça n’allait pas.
Je me suis mise à m’enfermer dans ma chambre dans le noir en pleurant. Je n’avais plus envie de me coller, ni avec mon chum, ni avec mes enfants. Comme il y a des antécédents de dépression dans ma famille, certains me disaient que j’étais probablement en post-partum de mon bébé. Puis, c’est devenu de pire en pire. Je me suis mise à avoir des envies suicidaires, des vraies. Certaines personnes dans mon entourage faisaient comme si de rien n’était, je pense que c’est la seule fois de ma vie où je pense que j’aurais pu le faire. Je n’étais plus moi. Mon mari était inquiet. Je ne faisais plus à manger, je ne faisais que dormir et pleurer. J’ai fermé mon Facebook, la vie de tout le monde me faisait chier. Dès que chéri revenait du travail, je lui donnais les enfants et je retournais dans mon lit en fermant les rideaux.
Il m’a obligé de prendre rendez-vous vite, il était inquiet pour moi. On m’a proposé d’attendre après les vacances de la construction de mon mari pour retirer mon stérilet, même si c’était depuis cette journée que rien n’allait, tsé peut-être que j’avais juste besoin de repos, que pendant ses vacances il pourrait me laisser dormir, reprendre le dessus tranquillement et après nous pourrions prendre une décision. J’étais à 50% de mon salaire, je n’avais pas de sous, le stérilet m’avait coûté cher, je me suis dit que ça valait la peine d’attendre, après tout, c’était peut-être juste ça… J’ai voulu lui donner une chance.
Deux semaines plus tard, mes deux grandes et merveilleuses amies Audrée, Catherine et moi avions cédulé plusieurs semaines d’avance un pique-nique dans un parc près de la rue Molson. Vous savez, ces amies que vous aimez tant voir que vous comptez les jours eh bien, je ne voulais plus y aller. Je ne voulais plus voir personne, PERSONNE… J’avais peu parlé de mon état parce que personne ne me prenait au sérieux. Cette journée-là je me sentais vide, vide, vide. Je me souviens, j’étais assise et j’avais l’impression d’être dans une pièce blanche sans meubles ni fenêtres pour me sauver. J’ai pris mon bébé, je me suis mise à marcher, à avoir de la peine pour lui d’être dans les bras d’une maman comme moi. Je me détestais et je venais de décider qu’il ne méritait pas que je sois sa mère. Je me souviens j’ai regardé au loin, il y avait la table avec mes amies que j’aime, mon mari, les enfants jouaient dans le parc et moi, j’étais en train de calculer : Et si, je partais en courant avec Rémi, que je le donnais vite dans les bras de papa en continuant mon chemin en le plus vite possible j’aurais peut-être assez de temps pour que ma carcasse se face écraser par le premier camion passant… Puis, j’ai eu la vision de mon plus vieux avec son papa en larmes autour de moi en attendant les secours et j’ai vite réalisé que ça ne pouvait pas se faire… Que plus rien dans ma tête ne faisait de sens.
Mes amies me regardaient, ne me reconnaissaient plus, je ne me reconnaissais plus moi non plus… On s’est assis dans la voiture, je savais que j’étais à une étape cruciale avant le suicide, j’étais en train de me faire un plan. Je lui ai tout dit ce qui s’était passé dans ma tête au parc, je sais que c’est l’appel à l’aide qu’il faut faire. Je n’aimais plus personne, mais je me souvenais de les avoir aimé il y avait de cela pas si longtemps. Je me rappelle que je les regardais avant avec émerveillement et que là, ça n’arrivait juste plus…
En arrivant à la maison, on a fait des recherches sur le web pour finalement découvrir d’autres femmes qui avaient vécu ce que j’étais en train de vivre, d’autres femmes qui avaient fini sur des antidépresseurs quelques mois après l’installation de leur stérilet. Nous sommes retournés à la clinique le lundi suivant, c’était une autre doc… J’ai demandé de me le retirer immédiatement. Elle a aussi tenté de me convaincre que les effets secondaires de dépression étaient rares et blablabla… Puis, je pense que c’est la seule fois où j’ai crié dans le bureau d’un docteur, je n’avais plus d’énergie pour respirer alors encore moins pour m’obstiner. J’ai hurlé : JE VEUX MOURRIR ! Si vous ne me l’enlevez pas maintenant, vous allez me le retirer à la morgue cet après-midi vous me comprenez ?
Elle me l’a retiré quelques minutes plus tard en me disant qu’elle ne pouvait pas me laisser sortir de son bureau après ce qu’elle venait d’entendre, je lui ai expliqué que j’ai verbalisé ce vers où je ne voulais pas aller parce que j’avais besoin d’aide. Mon chum était présent, à l’écoute, j’étais bien entourée et comme mon grand-papa s’était suicidé l’année de mes 15 ans je ne voulais pas faire vivre cette épreuve à mes enfants. J’ai fait la promesse que j’irais voir des ressources comme je l’avais fait ce matin-là. Je suis retournée à la maison et 48 heures plus tard, je ressentais déjà des changements dans mon corps. J’ai recommencé à sourire pour vrai, sans faker pendant la semaine qui a suivi. J’ai cessé de pleurer quand mon bébé se réveillait le matin parce que j’étais heureuse d’aller le voir dans son lit, j’ai recommencé à lui faire des façons quand il m’en faisait. J’ai arrêté d’avoir peur de moi-même parce que je l’avoue, je suis devenue mon pire ennemi pendant 1 mois et demi, cet été là. Je suis une personne à l’écoute de mes émotions et je savais depuis quand j’allais mal… La meilleure des choses a été de m’écouter ce matin-là et de demander de l’aide…
Attention, ceci n’est pas un texte pour démoniser le stérilet à hormones ou les spécialistes qui m’ont proposé de l’utiliser, au contraire, c’est vrai que pour plusieurs de mes amies ça a été un grand soupir de soulagement dans leur vie et le sauveur de bien des problèmes. Je sais aussi que le taux d’hormones que le stérilet libère est très minime, mais pour certaines personnes comme moi c’est un pourcentage ajouté de trop. La simple raison pour laquelle j’ai écrit ce texte, c’est pour ajouter une histoire de plus de disponible pour les mamans couchées en boule dans le noir en pleurant et qui googlent les mots »stérilet », »dépression », »je ne me reconnais plus » ou »mal de vivre » et qui pensent qu’elles sont seules au monde. Parce que si je n’avais pas pu lire le témoignage des femmes qui ont cru qu’elles devenaient folles avant moi, je ne serais pas en train de vous écrire aujourd’hui et mes enfants n’auraient peut-être plus de maman à qui faire de câlin avant le dodo….
P.S Merci à mes amies d’avoir vu la détresse dans mes yeux, vous avez fait une énorme différence…